Point médian : les points sur les i, ou pourquoi interdire aux limaces de voler ?

La ministre de l’Éducation Valérie Glatigny (MR) entend « interdire l’écriture inclusive via le point médian » dans les écoles de Wallonie et de Bruxelles parce qu’il compliquerait l’apprentissage de l’écriture.
S’ensuit une tonne d’applaudissements.
Je lève les yeux au ciel… Soupir.
Son projet n’a pas de sens. Je vous explique pourquoi.

Rappel : qu’est-ce que le point médian ?

Le point médian c’est ceci :   ·
À quoi sert-il ? À abréger un doublet. Par exemple, au lieu de « les abonnés et les abonnées », on écrira « les abonné·es ».
C’est UNE technique d’écriture inclusive parmi toute une flopée d’autres solutions comme (les doublets complets, les reformulations, les collectifs, la féminisation, les abréviations, les épicènes, l’ordre alphabétique, les anglicismes, les néologismes…).

  1. Le point médian interdit
    Le décret « écriture inclusive » de 2021 restera d’application, comme l’a indiqué la même ministre. Ce décret parle de féminisation et de démasculinisation : utilisation du féminin, recours à des formules doubles, emploi de termes épicènes ou collectifs, voix passive, etc.
    Ledit décret précise que « L’emploi de formules doubles abrégées est réservé aux contextes écrits où l’espace disponible impose une abréviation ». Le point médian, qui est donc UNE des solutions pour les formules doubles abrégées, est recommandé quand on n’a pas d’autre choix que d’abréger. On peut aussi utiliser le tiret -, la barre oblique /, les parenthèses ()… S’en prendre au point médian n’a donc aucun sens, puisqu’il existe une multitude d’autres solutions pour s’exprimer en inclusif.
  2. Le point médian interdit dans les écoles
    Bon… en soi, déjà rien que le fait d’interdire un signe de ponctuation est une priorité étrange. C’est d’ailleurs précisément ce qui est reproché aux féministes quand elles utilisent ce petit point : « vous n’avez pas plus urgent, comme combat ? » « et les femmes en Iran, vous faites quoi pour elles ? ». Mais passons. Si la ministre juge que cette mesure doit être prise avant la revalorisation du salaire du personnel enseignant ou avant la lutte contre le harcèlement, passons.
    Mais pour devoir interdire quelque chose, il faudrait déjà que l’on en abuse. Que son usage soit tellement exagéré qu’il perturbe les enfants. Or non seulement personne dans les classes n’utilise le point médian à l’excès, mais personne ne l’utilise DU TOUT. Donc pourquoi interdire quelque chose qui n’est pas utilisé ? C’est étrange. On pourrait tout aussi bien interdire aux limaces de voler, que ça aurait le même effet. Cette interdiction dans les écoles n’a donc pas de sens.
  3. Le point médian interdit parce qu’il empêcherait l’apprentissage du français
    Cet argument pourrait être le seul valable à mes yeux, puisqu’il montre un réel intérêt pédagogique pour les enfants. MAIS. Il y a toujours un « mais ». Encore faut-il qu’il ait été démontré que le point médian trouble effectivement l’apprentissage du français. AUCUNE ÉTUDE N’A ÉTÉ MENÉE SUR LE SUJET. Pas même de sondage officiel auprès des instituteurs et institutrices dans les écoles. Aucun panel d’enfants soumis à des tests longue durée pour observer si tel groupe exposé au point médian présente un écart d’apprentissage par rapport à tel autre groupe non exposé au point médian. Rien. Je dis bien « écart d’apprentissage » et pas « lacune ». Parce que le point médian pourrait aussi favoriser l’apprentissage du français. Peut-être qu’une partie des élèves adorerait même l’utiliser et découvrirait l’écriture inclusive par ce biais. Finalement, on ne le sait pas, puisqu’aucune étude n’a été réalisée ! Pourquoi ? Parce que comme indiqué dans mon point précédent, il n’est pas utilisé. Il n’y a tout simplement pas de panel suffisant permettant de réaliser une telle étude. Cette interdiction n’a donc pas de fondement scientifique.

 

En interdisant aux limaces de voler, vous empêchez aussi les poissons de nager

 

Dans ce cas, pourquoi s’attaquer au point médian, madame la ministre ? Et de plus, pourquoi en faire une priorité ? Nous le savons, l’écriture inclusive, c’est bien plus que ça. Puisque les écoles ne l’utilisent pas. Puisqu’aucune étude ne prouve l’entrave à l’apprentissage. Serait-ce parce qu’il incarne une idéologie contre laquelle votre parti est entré en guerre ? Cette idéologie fantasmée qu’est le « wokisme »… Car si votre électorat faisait déjà le raccourci entre « point médian » = « inclusivité », aujourd’hui, vos discours permettent le raccourci « point médian » = « wokisme ».
Et c’est là qu’est le cœur du problème. Somme toute, en vous attaquant au point médian, vous vous attaquez à un mouvement qui ne fait que prôner l’ouverture d’esprit et la diversité. Et c’est bien cela qui est problématique.
En interdisant aux limaces de voler, vous empêchez aussi les poissons de nager.

Mais nous avons bien d’autres manières de nous exprimer de manière inclusive : les écoles, les instituteurices, les titulaires, les profs, le personnel enseignant, les instits, les institutaires, les instituteurs et institutrices… je leur fais confiance, ne manquent pas de créativité.

P.-S. : pour écrire en inclusif sans point médian, je vous recommande l’Inclupédie, grand dictionnaire des inclunymes, pour écrire en inclusif sans point médian.

Image générée par IA (juste au cas où).

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Limace qui vole